FRENCH BELOW
Ordinary Chronicles of CENSORSHIP
Thursday, December 26, 2024
For 30 years, I have addressed violence in my work. So, I am not surprised to face it again and again. But breaking one, two, three, four ribs is extremely painful. Breathing then comes at a price. That is the price to pay for being an artist who expresses anger by taking the risk of being explicit. An artist can be violently implicit, just as they can practice the explicit. Are these two positions even reconcilable? Art allows so much.
It can be somewhat complex to embrace my aesthetics, my poetic/political voice, I am well aware of that. Yet now, I find myself having an exhibition shut down in a Latin American country with an authoritarian regime, a continent to which I feel so deeply connected. I write this manifesto in the wake of that. I write this manifesto in the wake, in the blows of that. I am not an artist to make exhibitions be shut down. I phrase it this way because I am proud to count among my friends an artist whose work was to have an exhibition closed. He makes impossible the calm that generally surrounds the mechanisms of display.
The explicit nature of violence, the explicit nature of domination, has been reproached to me time and again in the way I speak. For example, I have been asked to erase the words "colony," "colonization," "colonial," "decolonial" from my vocabulary. A Parisian gallerist threw this sentence in my face: "I am a little white guy who sells to little white guys, I can do nothing for you." This person had come to me, but without truly seeing my work. I was also simply told that I wasn’t an artist, that I didn’t have access to the complex, elusive nature of the world. All of this from the position of power in the art world—curators, gallery owners, art school professors. I’ve cannibalized this violence to make it into works of art. My works are my only compass in life.
I remain a polite boy, but self-censorship would gnaw at me, would corrode me, would necrotize me. Since childhood, I have irritated, I have stung. I was born under this light, I was born for this purpose. It can’t be torn away. I tried, and in doing so, I lost all capacity to breathe, all my internal flows turned into foul and unpleasant moods.
Self-censorship, a rogue word demanded from all sides in democracy—press here where it hurts—in autocratic or dictatorial regimes… Of course, self-censorship is part of speaking and (sur)viving, but I had to, a long time ago, draw a line through it.
I claim this, even though I have chosen not to name things. Yes. Not naming allows me to expose myself, without exposing myself to condemnation. Not naming also for the safety of the people involved.
In 2024, I was violently censored by one of France’s largest embassies abroad, with the argument that my work over the past 30 years tarnished the image of France. The consequence: I lost a five-year contract to promote and establish my work in the country’s largest museums, one of the greatest powers in the world.
Chroniques ordinaires
de la CENSURE
Jeudi 26 décembre 2024
Depuis 30 ans, j’aborde la violence dans mon travail. Je ne m’étonne donc pas de me la prendre dans la figure encore et encore. Mais une, deux, trois, quatre côtes cassées est extrêmement douloureux. Respirer a alors un prix. C’est là le prix à payer pour être un artiste qui dit la colère en prenant le risque de l’explicite. Un artistique peut être violemment dans l’implicite comme il peut aussi pratiquer l’explicite. Ces deux positions sont elles d’ailleurs réconciliables ? L’art permet tant.
Il peut y avoir une certaine complexité à accueillir mon esthétique, ma poétique/politique, ma voix, j’en suis bien conscient, mais je fais maintenant fermer une exposition dans un pays au régime autoritaire d’Amérique Latine, le continent auquel je me sens tant relié. J’écris ce manifeste sous le coup de cela. J’écris ce manifeste sous le coup, sous les coups de cela. Je ne suis pas un artiste pour faire fermer les expositions. Je le formule ainsi car je suis fier d’avoir pour ami un artiste dont l’une des œuvres a été de faire fermer une exposition. Il rend impossible le calme qui entoure généralement les dispositifs de monstration.
L’explicite de la violence, l’explicite de la domination m’a tant été reprochée au fil du temps au niveau de mon dire. On m’a par exemple demandé d’effacer les mots colonie, colonisation, colonial, décolonial de mon vocabulaire. Un galeriste parisien m’a jeté au visage cette phrase : « Je suis un petit blanc qui vend à des petits blancs, je ne peux rien pour toi ». Cette personne était pourtant venue vers moi, mais sans voir en détail mon travail. On m’a aussi tout simplement dit que je n’étais pas un artiste n’ayant pas accès à la complexité fumeuse du monde. Tout cela du haut de position de pouvoir du monde de l’art, curateurs, galeristes, enseignants en école d’art. J’ai cannibalisé cette violence pour en faire des œuvres. Mes œuvres sont ma seule boussole dans mon existence.
Je reste un garçon poli mais l’auto censure me rongerait, m’oxyderait, me nécroserait. Depuis enfant j’irrite, j’urticant. Je suis né sous ce jour là, je suis né pour cet usage là. Ça ne s’arrache pas. J’ai bien essayé, j’en ai perdu toute capacité à respirer, tous mes flux internes ce sont transformés en humeurs maussades et nauséabonde.
L’auto censure, un mot voyou réclamé de toute part en démocratie - appuyez donc où ça fait mal -, en régime autocrate ou dictatorial… Bien sur, l’auto censure est du côté du dire et du (sur)vivre mais j’ai dû il y a bien longtemps tirer un trait dessus.
Je prétends ici cela alors que j’ai choisi de ne pas nommer. Oui. Ne pas nommer me permet de me livrer, sans livrer à la vindicte. Ne pas nommer aussi par soucis de sécurité pour les personnes concernées.
En 2024, j’ai été violemment censuré par l’une des plus grandes ambassades de France à l’étranger., avec pour argument que mon travail depuis 30 ans salissait l’image de la France. La conséquence : j’ai perdu un contrat sur 5 ans pour faire connaitre et imposer mon travail dans les plus grands musées de ce pays, l’une des plus grandes puissance de ce monde.
Jeudi 9 janvier 2025
À lire urgemment ce long article (plus bas) du quotidien Libération qui déconstruit le système Hayot en Martinique et au delà de cette personne, le système des quelques familles qui règnent en toute impunité dans les dits "DOM TOM".
Car cela dépasse la Martinique, cela concerne aussi entre autres la Guadeloupe, La Réunion, Mayotte (liste non exhaustive). Cette exception française n'a que trop duré.
Cette hégémonie économique a aussi son pendant (soft power) dans la culture via La Fondation Clément (Le François, Martinique, https://www.fondation-clement.org).
L'hégémonie économique ne suffisant pas, la scène artistique des arts visuels est maintenant le lieu d'une hégémonie culturelle.
Il semble bien que je n'ai aucune attente vis à vis de cette institution qui pourrait changer du tout au tout ma situation financière. C'est l'un de ses pouvoirs. C'est bien là mon rôle d'artiste critique, urticant. Artiste quoi. Je sais très bien, outre la situation que cet article dénonce, que je ne suis pas en tant qu'artiste visuel sensé exposer ce type de positions. Pas sensé exposer du tout de quelconque positions un peu tranchées, tout simplement audibles. Je fais le choix ici d'être un mauvais artiste visuel.
Je le dois au miens. Cette phrase est l'histoire de ma vie. Ce n'est pas négociable.
Depuis mon enfance je suis urticant. J'effrayais enfant mon père qui me le faisais payer du haut de son hyper violence, j'effrayais ma grand-mère Mireille Boclé-Bellance. Pourquoi n'aurais je pas à 53 ans le droit de prolonger ce moment délicieux qu'est l'enfance ?
Artiste visuel, je suis sensé exposer à La Fondation Clément, et pour cela me taire. Enfin, ne pas prendre position publiquement, seulement dans l'entre cuisse des salons.
Ne pas prendre position publiquement, c'est le deal avec le dealer, le pourvoyeur. Il est logique, ne lui enlevons pas ça. Logique et au sommet de la chaine alimentaire.
Il semble que je ne sois pas un remora ("Shark-sucker" en anglais) ou même un labre nettoyeur. En connais-je ? Là est toute la limite de mon écriture. Et son pouvoir.
Vais je clôturer cette seconde Chroniques ordinaires de la CENSURE par le duo Shark-sucker ?
Laissons là les aujourd'hui CMA CGM et l'Atlantique des hier. Pour aller où ?
Jeudi 9 janvier 2025, Jean-François Boclé
Photos : Jean-François Boclé, Paris, Place de la Bastille, 21 septembre 2024.
Enquête du quotidien Libération du Jeudi 9 janvier à 12h30
Vie chère aux Antilles : les profits suspects du Groupe Bernard Hayot en outre-mer
Marges exorbitantes, opacité financière, entorses à la concurrence… Alors que le géant GBH est pointé du doigt dans la crise sociale contre la vie chère aux Antilles, «Libération» a pu consulter des dizaines de documents internes qui mettent en lumière l’ampleur de ses bénéfices réels. Très loin des discours officiels.
Ses comptes ont été discrètement publiés juste avant Noël, pour la première fois depuis six ans. Un revirement notable pour GBH, le groupe le plus puissant d’outre-mer, omniprésent dans la grande distribution, le secteur automobile, l’industrie et l’agriculture, surtout connu pour son opacité financière. Assigné quelques mois plus tôt devant le tribunal de commerce par quatre lanceurs d’alerte soucieux de faire la lumière sur ses véritables profits, l’entreprise au chiffre d’affaires d’au moins 4,5 milliards d’euros a donc pris les devants et choisi de faire acte de transparence. Mais une transparence toute relative. Seuls les comptes sociaux de la holding ont été publiés, et non les comptes consolidés incluant ses innombrables filiales, comme l’exige pourtant la loi, et sans lesquels il est impossible de prendre la mesure des bénéfices réalisés. Un flou d’autant plus controversé que le groupe est régulièrement pointé du doigt pour son rôle dans la crise sociale contre la vie chère aux Antilles.
Son fondateur, Bernard Hayot, 90 ans, un béké (blanc créole descendant des colons esclavagistes) martiniquais devenu richissime après avoir commencé dans la vente de poulets, a cristallisé la colère lors des graves tensions qui ont agité son île natale ces derniers mois, sur fond de pillages et de magasins incendiés. Dans un protocole signé mi-octobre avec la collectivité territoriale pour tenter d’apaiser la crise, l’entreprise s’est engagée à réduire de 20 % le prix de 6 000 produits vendus dans ses hypermarchés. Mais cet accord, conclu en échange d’une baisse de la fiscalité consentie par l’Etat, est loin d’avoir satisfait le collectif citoyen à la tête de la contestation, le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens, qui a refusé de parapher le texte.
Plus encore que les prix, c’est le flou entretenu par GBH autour de ses marges réelles qui irrite le plus les acteurs locaux. En attendant la prochaine audience devant le tribunal de commerce de Fort-de-France, le 23 janvier, Libération a pu s’entretenir avec un des protagonistes de ce système, dont le témoignage inédit permet de mieux comprendre les méthodes de l’entreprise et ses marges exorbitantes. Marc (1) travaille depuis près de vingt ans dans la branche automobile du groupe, qui représente à elle seule près de 40 % de son chiffre d’affaires global. S’il a accepté de parler, c’est parce qu’il ne se sent «plus en adéquation avec les valeurs de GBH», lassé d’être confronté au quotidien à la «souffrance financière» de clients qui n’ont pas d’autre choix que d’acheter au prix fort, fixé par le distributeur.
Position hégémonique dans plusieurs territoires
Son témoignage est d’autant plus éloquent que le cadre supérieur a accès aux informations partagées par le «board» et le club très fermé des 170 plus hauts cadres de ce groupe qui compte plus de 16 000 salariés. Cette place privilégiée «dans le secret des dieux» lui permet d’avoir accès aux discussions stratégiques et aux données les mieux gardées. «Celles auxquelles la plupart des salariés n’ont pas accès, précise-t-il. La consigne est de ne divulguer aucun chiffre à personne, pas même à nos équipes.» Pour appuyer son propos, Marc a permis à Libération de consulter des dizaines de documents internes : comptes d’exploitation, prix d’achat, marges, taux de rentabilité…
Les tendances qui en ressortent sont édifiantes : sur chaque vente de véhicule de marque Dacia, Renault ou Hyundai, les concessions de GBH réalisent une marge nette comprise entre 18 % et 28 %, soit trois à quatre fois celles pratiquées en métropole. En clair, pour un modèle vendu aux alentours de 20 000 euros, une concession peut gagner plus de 5 000 euros net, même après les éventuelles promotions et efforts commerciaux.
Ces documents traduisent aussi la position hégémonique du groupe dans plusieurs territoires d’outre-mer, où il détient plus de 50 % des parts de marché sur la vente de voitures aux particuliers, selon les chiffres que nous avons pu consulter. «Quand vous avez plus de la moitié du marché, vous faites la pluie et le beau temps, c’est vous qui dictez les tendances», insiste Marc.
Cette hégémonie est toutefois contestée par GBH, qui précise à Libé que ses parts de marché sont réparties localement entre plusieurs sociétés qui appartiennent certes au groupe, mais seraient «totalement indépendantes et en concurrence permanente». Un argument qui fait sourire notre source. «Lors des réunions de dirigeants, nous partageons ouvertement nos chiffres sur la rentabilité, le chiffre d’affaires, les marges unitaires, etc. explique-t-il. Il nous arrive même de nous appeler entre nous dès que les différences de prix sont trop importantes pour ne pas se faire de l’ombre. C’est tout sauf de la concurrence.»
«Ici, on est békés avant d’être rivaux»
A l’arrivée, l’opacité est telle pour le consommateur qu’il est impossible de trouver le prix des véhicules neufs en ligne. «Si vous allez sur les sites internet des entreprises du groupe Hayot, vous ne verrez jamais aucun tarif affiché, contrairement à leurs homologues métropolitaines et aux importateurs européens», précise Marc. Une mécanique si bien huilée que même les constructeurs se font berner. Chez GBH, il serait en effet de coutume de modifier les tarifs affichés dans les concessions lors de visites commerciales des fabricants, de manière à leur dissimuler le prix de vente des voitures et les véritables marges du distributeur. «On mentait éhontément aux constructeurs alors que les relations avec eux sont généralement basées sur la confiance, poursuit le cadre. C’est à ce moment-là que j’ai compris que ça allait trop loin.»
Pour justifier de telles différences de prix avec la métropole, l’entreprise met systématiquement en avant les «frais d’approche» qui comprennent tous les coûts liés à l’acheminement des véhicules depuis le continent, notamment les charges liées au transport et l’octroi de mer – une fiscalité propre aux biens importés dans certains territoires ultramarins. Mais les nombreux tableaux internes consultés par Libération montrent que ces surcoûts sont loin de justifier à eux seuls les écarts de prix. Pour une voiture vendue par GBH, le transport, l’octroi de mer et la TVA (plus faible en outre-mer voire inexistante en Guyane et à Mayotte) représentent en moyenne entre 15 % et 20 % du prix de vente final, soit à peine le taux de TVA pratiqué en métropole. En clair, contrairement aux affirmations de la multinationale, les frais d’approche ne permettent pas d’expliquer pourquoi les voitures vendues par ses concessions ultramarines s’affichent jusqu’à plus de 45 % plus chères qu’en métropole.
«De nombreuses études, menées notamment par l’Autorité de la concurrence, ont confirmé que les niveaux de marges étaient comparables à l’Hexagone», se défend le groupe Hayot, qui rappelle que d’autres charges liées à la logistique, la gestion des stocks ou les coûts d’assurance contribuent à alourdir la note finale. Sans préciser que beaucoup de ces frais profitent en réalité à d’autres filiales du groupe. C’est par exemple le cas de certains prestataires appartenant à GBH, qui facturent la réception des voitures sur le port avant leur livraison dans les concessions de l’île. «Une myriade d’enseignes avec des noms différents appartiennent au groupe et fonctionnent comme des sociétés écrans, explique Marc. Cette structure permet d’accumuler les marges, mais aussi de ventiler les bénéfices en allégeant artificiellement les comptes d’exploitation des entités les plus rentables.»
En outre-mer, cette concentration verticale se double d’une concentration horizontale. Au-delà de la vente elle-même, l’industriel est ainsi omniprésent sur toutes les activités annexes du marché automobile : location, centres-autos, pièces détachées, etc. Avec, là encore, des marges trois fois supérieures à la métropole. «Le groupe maîtrise toute la chaîne, de la vente à l’entretien, si bien qu’il peut garder dans son escarcelle les clients qui ne viennent plus en concession mais sont toujours susceptibles de fréquenter nos entreprises périphériques, poursuit Marc. Le marché est totalement cadenassé.» Sous couvert d’anonymat, un des concurrents de GBH abonde dans ce sens et confie à Libé l’existence d’une «règle non écrite» en Martinique et en Guadeloupe. «La carte de distribution automobile est déjà établie, assure-t-il. On se répartit le marché, aucun autre acteur ne peut entrer. Ici, on est békés avant d’être rivaux. Et quand je veux débaucher un de leurs collaborateurs, je dois d’abord demander l’autorisation à la direction de GBH.»
Pratiques anticoncurrentielles
Un rapport commandé par Emmanuel Macron et remis en décembre à l’Elysée, dont une synthèse a été dévoilée mardi par Le Monde, dénonce une situation « préoccupante » et préconise un changement radical du modèle économique des outre-mer qui ne profiterait qu’aux oligopoles, en particulier dans les secteurs de l’automobile et de la grande distribution. Ses auteurs appellent notamment l’exécutif à « assurer l’exercice d’une concurrence non faussée » et à « encadrer les marges arrières des distributeurs ». L’an dernier, la commission d’enquête parlementaire sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales avait déjà alerté sur la «comptabilité opaque» du groupe Hayot permettant de masquer l’accumulation de marges. Son rapporteur, l’ancien député de la Martinique Johnny Hajjar (affilié PS), est resté intarissable sur l’ampleur du scandale. «Notre commission a mis en lumière un véritable système organisé de captation économique et d’enrichissement de quelques-uns sur le dos d’une population entière», explique-t-il à Libé. Pour encourager les salariés à dénoncer des pratiques illégales, les parlementaires sont allés jusqu’à réclamer un dispositif de protection de témoins, comme pour les affaires de grande criminalité. Car les dérives oligopolistiques du secteur automobile sont indissociables de celles qui touchent la grande distribution, confrontée aux mêmes méthodes.
Depuis quatre ans, un consultant indépendant alerte sur ces pratiques anticoncurrentielles dans les territoires ultramarins, qui font flamber le prix des produits de première nécessité. Président du cabinet de conseil Bolonyocte, Christophe Girardier a réalisé plusieurs rapports pour l’Office des prix, des marges et des revenus (OPMR), un organisme composé d’acteurs publics et privés chargé d’étudier le coût de la vie dans les département d’outre-mer. «Non, la vie chère ne s’explique pas par l’insularité et les frais d’approche, explique-t-il à Libé. Ces facteurs y contribuent, mais de façon secondaire. La véritable cause tient au modèle économique propre à l’outre-mer.» Un modèle hérité de l’économie de comptoir longtemps en vogue dans les Antilles, lorsqu’une poignée d’acteurs monopolisaient les richesses qui arrivaient au port. «La fin de l’esclavagisme ne s’est pas accompagnée d’une redistribution de ces richesses», poursuit Girardier, qui rappelle que les esclavagistes ont été indemnisés par l’Etat français et que le pouvoir économique – notamment le foncier – reste entre les mains des békés. «GBH est le fruit de cette histoire-là.»
Le consultant, qui a eu accès à de nombreux documents comptables, dénonce surtout la pratique débridée des marges dite «arrières». Celles-ci reposent sur le fait, pour les distributeurs comme l’entreprise de Bernard Hayot, d’exiger de ses fournisseurs des remises de prix en fin d’année pour objectifs atteints. Selon le groupe, elles représenteraient seulement «5 % à 7 %» de son chiffre d’affaires et seraient systématiquement «réintégrées» dans les prix «au profit» du consommateur. «Mais toutes les investigations que j’ai pu mener démontrent que ce n’est pas le cas», assure Girardier, qui dénonce les affirmations «fallacieuses» de GBH et estime que ses marges arrières peuvent atteindre jusqu’à 25 % de son chiffre d’affaires annuel. Surtout, elles n’apparaîtraient jamais dans les comptes d’exploitation des magasins, mais seraient réparties entre d’autres sociétés. Une pratique destinée, selon lui, à minimiser la marge commerciale réelle du distributeur, comparable à celle déjà évoquée pour le marché automobile.
Ce flou a été plusieurs fois dénoncé par les pouvoirs publics. «Sans transparence sur les marges, il est impossible d’établir la vérité des prix et une concurrence saine et efficace», s’était ainsi ému l’ex-ministre de l’Economie Bruno Le Maire, en juin 2023, devant les parlementaires. Mais l’opacité demeure et les prix, eux, restent jusqu’à 40 % plus élevés qu’en métropole. Il suffit d’arpenter les rayons d’un hypermarché antillais pour prendre la mesure du gouffre. En avril, la députée LFI Mathilde Panot poste une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, dans laquelle elle compare une dizaine de produits d’un hypermarché Carrefour en Guadeloupe, propriété de GBH, avec ceux pratiqués dans l’Hexagone. «Pute pute pute», commente aussitôt le directeur de l’établissement sur un groupe WhatsApp consulté par Libé. De son côté, la direction de la com s’insurge : «Nos derniers relevés de prix démontrent la pertinence de nos arbitrages, qui permettent à nos magasins d’être les plus compétitifs sur leurs marchés.»
Le «coup de trop»
Pour Christophe Girardier, un épisode incarne de façon paroxystique le poids démesuré pris par l’industriel dans la grande distribution. Fin 2019, la multinationale annonce son intention de racheter le groupe Vindemia à la Réunion, mis en vente par Casino. Mandaté par l’OPMR, le consultant conclut, à l’issue d’une longue étude, que ce rachat, «très préjudiciable pour les consommateurs», est susceptible d’avoir des «impacts majeurs» sur les équilibres économiques et sociaux de l’île. Une opération de concentration inédite, l’une des plus importantes jamais réalisées dans les territoires d’outre-mer, qui ferait mécaniquement passer l’entreprise martiniquaise de 17 % à 37 % de parts de marché dans le secteur de la grande distribution à la Réunion, totalisant environ 45 % des dépenses de consommation courante des ménages réunionnais. «Cette opération n’avait aucun sens et n’aurait jamais dû être validée au regard du droit de la concurrence», s’insurge Girardier.
Mais après avoir pointé un «risque» lié à la concentration, l’Autorité de la concurrence a fini par donner son feu vert au rachat, GBH s’étant engagé à rétrocéder quatre hypermarchés à un nouvel acteur en gage de bonne foi. Une décision confirmée par le Conseil d’Etat. Depuis, les prédictions les plus sombres de Christophe Girardier se sont toutes concrétisées, le nouvel acteur ayant rapidement frôlé la faillite avant d’être racheté à son tour par un groupe mauricien, après apuration de ses créances par les pouvoirs publics. Un fiasco qui a coûté la bagatelle d’environ 35 millions d’euros à l’Etat, quand Hayot n’a jamais été aussi prospère à la Réunion. Contacté par Libé, un ancien cadre de l’Autorité de la concurrence en poste à l’époque du rachat de Vindemia concède, sous le sceau de l’anonymat, une certaine «naïveté» de son administration, qui aurait privilégié une «approche purement comptable» à des «considérations stratégiques». La commission d’enquête parlementaire avait également pointé le manque de moyens de l’Autorité de la concurrence dans les territoires d’outre mer.
Un autre fin connaisseur de ces sujets considère le rachat de Vindemia comme le «coup de trop». Chef d’entreprise, fondateur de l’association République et développement outre-mer, Max Dubois a été choisi en 2017 par Emmanuel Macron pour piloter sa campagne dans les territoires ultramarins. A l’époque, l’homme de gauche croit encore dur comme fer au «en même temps», persuadé que le jeune candidat peut insuffler une nouvelle dynamique régionale. Après l’élection victorieuse, les deux hommes continuent de se voir et échangent régulièrement sur ces problématiques. Au point que les convictions de Dubois semblent déteindre sur celles du nouveau chef de l’Etat. En déplacement à la Réunion en 2019, ce dernier ne mâche pas ses mots sur la situation sociale : «Si la vie est chère, c’est parce qu’on n’a pas suffisamment développé la production locale et parce qu’il y en a quelques-uns, en quelque sorte, qui ont tout pris pour eux, s’indigne-t-il alors face aux caméras. Ne nous mentons pas.»
«Lobbying intense» et «connivence politique»
Trois ans plus tard, en juillet 2022, le fidèle Max Dubois est propulsé par Macron conseiller spécial du ministre délégué aux outre-mer, Jean-François Carenco, poste qu’il occupera huit mois avant d’être débarqué. De cette période, il retient surtout le «lobbying intense» de GBH, mais aussi l’absence de «garde-fous» et la «connivence politique» à l’égard de Bernard Hayot, élevé en juillet au rang de grand officier de l’ordre national de la Légion d’honneur par décret présidentiel. Le pouvoir de l’industriel est à la mesure de son entregent. «Lorsque j’étais conseiller spécial, j’ai vu Bernard Hayot venir huit fois en personne rencontrer le ministre», se souvient Max Dubois.
Rien de très surprenant tant le patriarche et ses plus proches collaborateurs ont toujours eu leurs entrées dans les cabinets ministériels, de droite comme de gauche, au fil des décennies. «J’ai observé comment ça fonctionnait de l’intérieur et j’ai compris que ça ne changerait jamais, poursuit-il. Depuis les années 70, de nombreuses lois ont tenté en vain d’encadrer le secteur. Aujourd’hui, seule une commission d’enquête parlementaire permettrait d’établir l’ampleur des collusions.» L’an dernier, Bernard Hayot a officiellement annoncé à ses équipes qu’il passait la main à ses deux fils et à son gendre, après de longues minutes de standing ovation. Mais ceux qui le connaissent savent que son fantôme rôde encore.
Max Dubois, qui continue «régulièrement» d’échanger avec Emmanuel Macron, considère désormais le Président comme «le pire de la Ve République pour les territoires d’outre-mer», sujet qui restera selon lui comme «une tache indélébile de ses deux quinquennats». Mais bien plus que la postérité du chef de l’Etat déclinant, Dubois redoute surtout que le coût de la vie ne finisse par faire dégénérer une situation de plus en plus tendue dans les Antilles. «Le point de renversement est tangible, prévient-il. Une étincelle et tout peut exploser.»
Emmanuel Fansten
(1) Le prénom a été modifié.
Jeudi 6 février 2025
C’est obcène et inqualifiable que cette plainte du Président Emmanuel Macron contre un artiste Guadeloupéen pour avoir peint et exposé une toile le représentant aux mains d’un homme Noir drapé de plaisantes couleurs. Où sommes nous? Dans quel pays? Ben la réponse c’est la France. Pas la Corée du Nord ou le Cameroun de Paul Biya. La France, cette France là, tu l’aimes encore?
Va t’on laisser passer cet afront? Si oui quel sera la prochaine étape ? À quelle sauce va t’on nous mastiquer?
J’ai moi même eu maille à partir avec la censure en juin dernier. J’ai pris mes responsabilités et ai commencé la rédaction d’une nouvelle chronique. Que j’ai partagé sur Facebook, sur Instagram et sur mon site. Une contre mesure.
Nous devons être derrière cet artiste, derrière cette peinture CAPITALE. Tous ensembles. En rang serré.
Si vous avez connaissance d’avocats engagés pouvant porter ce dossier, faites le moi savoir.
Je vais faire en sorte d’informer la Ligue des droits de l’homme, l’AICA International et le comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices - CAAP auquel j’ai adhéré en 2024. Si vous avez d’autres suggestions faites m’en part.
FRANCE : URGENCE CENSURE / STOP CENSURE
Solidairement
Jean-François Boclé
https://www.bfmtv.com/.../emmanuel-macron-decapite-sur-un...
https://rci.fm/.../Plainte-dEmmanuel-Macron-deposee-en...