Tricolor Devil
Jean-François Boclé, Boclé, Tricolor Devil, 2011, performance during the Notting Hill Carnival, London, 2011. © Jean-François Boclé/Adagp.
Jean-François Boclé, Boclé, Tricolor Devil, 2011, performance durant le Notting Hill Carnival, Londres, 2011. © Jean-François Boclé/Adagp.
[French below]
Boclé created a new carnivalesque Mas(1), a new carnivalesque Devil (2) -the Tricolor Devil - during the Notting Hill carnival in London, carnival that brings together hundreds of thousands of people. A sea of caribbean' flags.
The red, black and green are the colors referring to heterotopias defeated in the Caribbean Sea. They are primarily those of the banners of the Black Star Line Company founded by Marcus Garvey. Born in Jamaica, Garvey worked, as a docker, for the United Fruit Company in Puerto Limon in Costa Rica as lots of Jamaicans, before to emigrate to the USA. Red, black and green also resonate also resonate elsewhere in the Caribbean during revolts, from 1655.
The performance was activated in Paris, Boclé having traveled to London by bus, in the frame of an "All inclusive Notting Hill Carnival Package" proposed by a community association to the Caribbean French diaspora living in Paris' suburbs. The performance continued in the Tube invaded by people going to carnival. Among other, there, he interacted with a young Frenchman from the continent whose face was, on one half, in blue white red, and on the other in brown, an eye highlighted with red. Half blue-white-red, half "black face"...
The Tricolor Devil Mas deals sarcastically tackles the question of domination. His body claims to be a social sculpture activating space (3), generating interactions. The artist parades and dances in the streets of Notting Hill, face painted, wearing a white shirt previously invested with three colors (markers). The carnivalers of the Caribbean diasporas mixed with the other inhabitants of London, challenge him recognizing that it was the colors of a likly flag.
The face of the artist and the shirt he wears say submergence in a red-black-green "all over". Submersion is what first takes place in the space-time of Carnival. A submersion as subversion.
1- The Mas, a re-invention of Gwoup a Po (Groups skin in creole) in Guadeloupe in the 1980s, takes the entire body of the wearer, the wearer is crossed by Lespwi a Mas la (the spirit of Mas). The déboulé (march) of Gwoup a Po, as much political, cultural as spiritual, appropriated the city during the three months that lasts the carnival in Guadeloupe (January to March). Unlike carnival parades, they are the only ones to decide their journey in the city - they claim not to be Carnival groups.
2 - The "Red Devil", or " Devil with mirrors ", essential character of the carnival in Martinique. He wears horns, mirrors, and a tall head-mask. He is king of Shrove Tuesday. The Shrove Tuesday ("mardi gras") distinguishes itself from the other days by the dominant color worn as well by the red Devil, his imps (without big head nor mirrors) and by everybody in the popular Parade in the steets of the cities (" Vidé " in Creol means the Carnival Parade).
3 - Hélio Oiticica' Parangolés.
En 2011, j'ai inscrit un nouveau Mas carnavalesque (1), un nouveau Diable carnavalesque (2) - le Tricolor Devil Mas - au Carnaval de Notting Hill à Londres, carnaval, qui rassemble chaque année des centaines de milliers de personnes pour former une mer de drapeaux caribéens. La performance s'est activée dès Paris, m'étant rendu à Londres en bus dans le cadre d'un "Package All inclusive Notting Hill Carnival" proposé par une association communautaire de la diaspora française caribéenne, vivant en Région Parisienne.
Le Tricolor Devil Mas, qui s'inscrit dans l'espace public, pose la question de la domination, et se revendique comme sculpture sociale activant des espaces (3), à travers les interactions qu'il produit et suscite : les visages sans mots, dans la salle de petit déjeuner de l'hôtel, des Guyanais, Guadeloupéens et Martiniquais, avec lesquels j'ai fait le voyage, reconnaissant les couleurs que j'arbore. Dans le Tube envahi par les carnavaliers, j'ai, entre autre, interagi avec un jeune français de l'Hexagone dont le visage était, sur une moitié, grimé en bleu blanc rouge, et sur l'autre en marron. Moitié bleu blanc rouge, moitié black faces semble t-il. Je lui en ai dit plus sur le Tricolor Devil Mas. Nous étions tous deux à Londres, en période de carnaval, il était alors possible de s'entre-contaminer, de s'entendre - d'entendre ce que disent les couleurs arborées. Dans cette interaction - sourires, clin d'œils, paroles, éclats de rires -, l'un portait des couleurs étrangement populaires dans le Nord - un violent retour du refoulé -, l'autre, "portait" Lespri a Mas la (créole, il portait l'esprit du Mas), pour un dire relationnel, politique et mystique - dans l'esprit des Carnavals Africains-Américains, plus précisément dans l'esprit des Gwoup a Po (créole, groupes à peau) de la Guadeloupe comme Akiyo (Pointe-à-Pitre) ou Voukoum (Basse-Terre).
L'artiste déboulant (défilant) et dansant dans les rues de Notting Hill, le visage fardé, portant un tee shirt blanc investi de trois couleurs inscrites au feutre, est interpellé de manière répétitive par les carnavaliers des diasporas caribéennes, mêlés aux autres habitants de Londres, certains reconnaissant les couleurs d'un probable drapeau, d'autres souhaitant connaître le nom du fashion designer qui l'avait conçu - quelle ironie... Mon visage et le tee shirt que je porte disent la submersion dans un all over rouge noir vert. La submersion est ce qui a lieu d'abord dans l'espace-temps du Carnaval. Une submersion pour subversion.
Subversion, oui car le rouge vert noir sont les couleurs d'un drapeau indépendantiste caribéen. Non celui de Porto Rico, mais celui de la Martinique. Arborant ces trois couleurs, alors qu'une jeune fille pose avec moi vêtue en fleur, je suis habillé en lutte.
Mon travail est dans la dissonance, et même dans l'espièglerie. Comme dans les installations Consommons Racial, acquise récemment par le FNAC Fond National d'Art Contemporain, et Si ton musée est mort essaye de mien, où les objets la constituant semblent avoir été assemblés par un enfant.
Depuis l'enfance, je ne fais pas où l'on me dit de faire. Je déplace. Même s'il y a un prix à payer pour être artiste.
Des personnes de Martinique, parmi elles, certaines de ma famille m'ont fait cette remarque : « Mais qu'est ce que c'est que cette histoire, tu vas au Carnaval de Notting Hill déguisé en drapeau indépendantiste... ». Mais oui, car ça dissonne. Et par-dessus le marché je suis là bien espiègle car on me voit poser dans l'une des photographies de cette performance au bras d'un beau jeune homme de Trinidad et Tobago. Il ne s'agit pas là d'une œuvre manifeste –-politique – car en posant avec ce jeune homme, mes yeux dévorants ne laissent nulle place au doute. Avec cette photographie, je me coupe de toute assise militante en Martinique. La question ici n'est pas de savoir si je suis autonomiste ou indépendantiste, mais dans le faire dissonance, et dans le porter – respectueux – de couleurs, majoritairement honnies de la société martiniquaise. Celles d'une révolte silencieuse.
1 - Le Mas, une ré-invention des Gwoup a Po (Groupes à peau) guadeloupéens dans les années 1980, parcours le corps entier du porteur, le porteur est traversé par Lespwi a Mas la (l'esprit du Mas). Les déboulés (défilés) des Gwoup a Po, autant politiques, culturels que spirituels, s'approprient la ville durant les trois mois que dure le carnaval guadeloupéen (du nouvel an au début du Carême). Contrairement aux défilés du carnaval, ils sont les seuls à décider de leur parcours - ils revendiquent ne pas être des groupes de carnaval.
2 - "Le Diable rouge", ou "Diable à glace", personnages essentiels du carnaval en Martinique. Il porte cornes, miroirs, et une tête-masque de grande taille. Il est le roi du "Mardi gras". Le "Mardi gras" se distingue des autres jours par la couleur dominante portée aussi bien par le Diable rouge, ses diablotins (sans grosse tête ni miroirs) et tous les carnavaliers mêlés au "Vidé" (défilé en créole).
3 - Parangolés d'Hélio Oiticica.