jean-françois boclé
Postcolonial/Décolonial. La preuve par l'art-2021--ref761
Postcolonial/Décolonial.

La preuve par l'art



Under the direction of Evelyne Toussaint. Évelyne Toussaint, Presses universitaires du Midi, Toulouse, 2021, 204 p.


Extract of « Betye Saar, Fred Wilson, Jean-François Bocle : décoloniser les stéréotypes »

Jean-François Boclé. Symboles et symptômes
En 2003, Jean-François Boclé (20) inaugure par un premier achat une collection toujours en cours une boîte de chocolat en poudre de la marque Banania laquelle diffuse depuis des décennies, sous les traits caricaturaux d’un tirailleur sénégalais, un racisme insidieux et impensé. Les procès intentés à plusieurs reprises à la firme n'y ont rien fait, l'image reste l'un des symboles d'une certaine tradition coloniale comme il en est, par ailleurs, des « têtes de nègres » - yeux globuleux et lèvres épaisses - impunément consommées sous forme de bonbons a la réglisse.
Deux ans plus tard, en 2005, à l'occasion d'un séjour professionnel en Colombie. Boclé découvre avec stupéfaction, dans la maison où il est invité à séjourner, la présence d'une
Aunt Jemima « qui dormait par terre dans un placard à côté de la cuisine et qui était traitée comme il y a 200 ans (21) ». Aunt Jemima et Uncle Ben. s'indigne-t-il. ne sont « ni père, ni mère, ni oncle, ni tante, ils ne sont ni sujet ni être humain. C’est bien ce qu'entérinait le Code noir et c'est aussi notre présent. Au XXIe siècle, certaines familles ont toujours des esclaves dans leur maison. » L'installation Consommons racial ! (2005),qui trouve là sa double origine. se concrétise aussitôt avec la collecte d'un premier objet : un paquet de sacs a ordures (Bolsas para basura) vendus sous la marque La Negrita, d’une violence inouïe. Oubliée la libération de la femme noire selon Betye Saar. Ici. c'est son corps qui est transformé en sac poubelle - noir -. sous l'apparence anodine et honteuse d'un petit personnage de Comics, et l'image d'Aunt Jemima sert à promouvoir un liquide de nettoyage (Limpido).

Jean-Francois Boclé rassemble des lors une éloquente collection de produits de consommation courante vendus aujourd’hui dans les supermarchés (22), symptômes des fondements ethnocentrés et racistes structurant nos sociétés.
Dans Si ton musée est mort essaye le mien (2007), il mettra également en évidence l'incongruité de jeux en apparence anodins, des Jouets de génocide, figurines Playmobil
avec lesquelles on incite les entants a s'identifier aux héros de la civilisation blanche, mâle et occidentale, aux vainqueurs génocidaires des anciens habitants de l'Amérique du Nord que l'on continue, par négligence, à appeler des Indiens.
L'exposition « Fetish Modernity » (Modernité fétiche), sous le commissariat d'Anne-Marie Bouttiaux. et d’Anna Seiderer (23), lui donnera l'occasion de poursuivre cette réflexion critique avec l'installation Si ton musée est mort, essaye le mien (2011). Réunis dans une vitrine, un album d'Hergé, des publicités de voyages exotiques, des figurines ou des jouets sont les pièces a conviction de ethnocentrisme dont ils témoignent.


20-Cf. : http://www.jeanfrancoisbocle.com/news.html.consulté le 08/04/2020
21-Entretien Jean-Francois Bocle/Evelyne Toussaint. mai 201 8
(Limpido).
22-Il s'agit de : « Banania made in France acheté en France en 2003 et
2010 » : « La Negrita, made in Colombia acheté en 2005 à Cali » :
« La Constancia Salsa Negra made in Colombia » et « La Blanquita, made in Colombia ». tous deux achetés en 2005 à Bogotá ; « Aunt Jemima, made in France » acheté en 2005 à Paris ; « El Negrito, made in Republica Dominicana acheté en 2006 à Santo Domingo » ;
« Lakritsi pastilleia, made in Scandinavia » acheté en Suède en 2008 ; « La Negrita, made in France acheté en 2010 en duty free a l'aéroport de Bruxelles : « Negro, made in Lebanon » acheté en 2010 à Bevrouth ; « Conguitos, de la marque Lacasa «  hecho en España » acheté en juin 2010 à Pontevedra ». Informations transmises par Jean-Francois Boclé, mai 2018.
23-Bouttiaux et Seiderer (dir.). 2011. L'exposition fut structurée en cinq thèmes : « Fabrique des clichés » ; « Made in... » ; « Modernité - Entre discours et pratiques » ;« Désir de modernité » ; « Modernité gloutonne ».

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